De l’intérêt des lipides dans la prévention des troubles cognitifs et visuels liés à l’âge
Avec l’augmentation constante dans notre société du nombre de seniors et de la prévalence des pathologies liées à l’âge, le vieillissement de la population est depuis le début des années 2000 un enjeu majeur de santé publique. L’alimentation est un facteur environnemental auquel l’individu est exposé durant sa vie et sur lequel il est possible d’agir pour contribuer à retarder l’apparition des déficits mnésiques et visuels liés au vieillissement.

Concernant le cas particulier des lipides, les pouvoirs publics ont rappelé récemment l’importance de leur consommation, et notamment des acides gras oméga-3, chez le sujet âgé de plus de 65 ans afin de prévenir l’apparition de troubles des fonctions cognitives et oculaires au cours du vieillissement[1].
Qu’en est-il des lipides dans la prévention des troubles cognitifs ?
Dans ce contexte, ITERG a participé aux côtés de partenaires académiques à différents projets sur la thématique « lipides et cerveau », dans le cadre des UMT[2] ACTIA[3] « Nutrition lipidique et vieillissement cérébral »[4] (2006-2011) et « Alimentation, nutriments lipidiques & cerveau (ALICE) »[5] (2011-2016) dont l’objectif était d’identifier la nature et la quantité des lipides à privilégier dans l’alimentation pour prévenir le vieillissement cérébral.
Il a ainsi été montré sur des modèles précliniques[6] (i) qu’une insuffisance d’apport en acides gras oméga-3 induisait chez le jeune des altérations neurobiologiques similaires à celles décrites chez le sujet âgé, associées à une augmentation du risque de déclin cognitif ou de démence au cours du vieillissement ; (ii) l’intérêt d’une supplémentation conjointe en acides gras oméga-3 et vitamine A pour préserver la mémoire, altérée au cours du vieillissement ; (iii) le rôle bénéfique des acides gras oméga-3 dans la régulation de l’inflammation cérébrale.
ITERG et ses partenaires ont conforté ces données chez l’Homme avec une étude nutritionnelle visant à évaluer l’impact d’une formule ingrédient enrichie en acides gras oméga-3 et vitamine A sur l’amélioration des capacités mnésiques et du bien-être du sujet âgé sain (projet NutriMémo[7]) (résultats en cours de publication).
L’ensemble de ces données a par ailleurs été confirmé par des données épidémiologiques recueillies sur de grandes cohortes de sujets âgés (EVA[8], 3-Cités[9]), lesquelles plaident en faveur de la consommation des acides gras oméga-3 et de l’huile d’olive pour prévenir le déclin cognitif et de mémoire[10],[11].
Le constat est similaire en termes de prévention des troubles visuels
Au cours du vieillissement, l’alimentation lipidique peut également être un facteur sur lequel agir pour prévenir l’apparition de certains troubles de l’acuité visuelle, telle la maculopathie liée à l’âge qui peut évoluer vers une dégénérescence maculaire (DMLA).
ITERG a ainsi participé à différentes études coordonnées par l’équipe « Lifelong Exposures, Health and Aging » du centre de recherche Bordeaux Population Health[12]. L’objectif de ces études visait à mieux caractériser le rôle des nutriments lipidiques et liposolubles, et leurs interactions, dans l’étiologie de la DMLA. L’étude PIMAVOSA[13] a ainsi montré chez des sujets sains une relation entre la densité du pigment maculaire (présent au centre de la rétine) et les concentrations plasmatiques de différents nutriments dont les acides gras oméga-3 à longue chaîne, suggérant une action synergique de ces nutriments dans l’accumulation du pigment maculaire et la protection contre la DMLA. Ces travaux ont donné lieu à l’étude d’intervention nutritionnelle LIMPIA[14], laquelle a mis en évidence l’impact bénéfique d’une supplémentation en acides gras oméga-3 à longue chaîne et caroténoïdes chez des sujets issus de parents atteints de DMLA. Enfin, ITERG a également pris part au projet BLISAR[15] visant à mieux comprendre le rôle des acides gras oméga-3, du métabolisme du cholestérol et de leurs interactions dans la DMLA (résultats en cours de publication).
L’ensemble de ces données témoigne donc du rôle essentiel des lipides dans notre alimentation, via la consommation d’huiles riches en acides gras oméga-3 (colza, noix), d’huile d’olive et de poisson, dans une démarche de prévention du vieillissement cérébral.
[1] https://www.anses.fr/fr/system/files/NUT2017SA0143.pdf
[2] https://www.actia-asso.eu/umt-presentation/
[3] https://www.actia-asso.eu/presentation/
[4] En collaboration avec l’Unité de Nutrition et Neurosciences U2N (EA 2975, Universités Bordeaux 1 et 2).
[5] En collaboration avec le Laboratoire de Nutrition et Neurobiologie Intégrée NutriNeuro (UMR1286 INRA, Université de Bordeaux).
[6] Buaud et al., 2007 ; doi: 10.1051/ocl.2007.0117 ׀ Buaud et al., 2010 ; doi: 10.1017/S0007114509993886 ׀ Létondor et al., 2014 ; doi: 10.1017/S0007114514002529 ׀ Létondor et al., 2016 ; doi: 10.3389/fnagi.2016.00103 ׀ Rey et al., 2016 ; doi: 10.1016/j.bbi.2015.12.013 ׀ Rey et al., 2018 ; doi: 10.1016/j.plefa.2018.04.003 ׀ Rey et al., 2019 ; doi: 10.1016/j.bbi.2018.07.025.
[7] https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT02626247?term=nutrimemo&draw=2&rank=1
[8] https://epidemiologie-france.aviesan.fr/epidemiologie-france/fiches/cohorte-de-sujets-ages-etude-du-vieillissement-vasculaire-declin-des-fonctions-cerebrales-et-cognitives/fre-fr
[9] https://epidemiologie-france.aviesan.fr/epidemiologie-france/fiches/cohorte-des-3-cites/fre-fr
[10] Heude et al., 2003 ; doi: 10.1093/ajcn/77.4.803 ׀ Berr et al., 2009 ; doi: 10.1159/000253483.[11] https://anr.fr/Projet-ANR-06-PNRA-0005
[12] https://www.bordeaux-population-health.center/les-equipes/expositions-vie-entiere-sante-vieillissement-leha/
[13] Delyfer et al., 2012 ; doi: 10.1167/iovs.11-8721.
[14] Merle et al., 2017 ; doi: 10.1111/aos.13408.
[15] https://anr.fr/Projet-ANR-14-CE12-0020